Interview : les candidats veulent choisir une entreprise qui leur correspond, notamment au niveau des valeurs

INTERVIEW de Christel de Foucault, conférencière marque employeur et experte en recrutement, qui revient sur l'importance de l'expérience collaborateur, en particulier lors de l'onboarding.
26 juillet 2022
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Christel de Foucault, conférencière marque employeur et experte en recrutement, revient sur les transformations qui impactent l'univers des ressources humaines : attractivité RH, recrutement des nouvelles générations, importance de l'onboarding des nouveaux collaborateurs, son interview, menée par l'expert RH Gaël Chatelain-Berry, est à retrouver dans le livre blanc réalisé par Edenred France avec Gaël Chatelain-Berry, "L'entreprise à la carte" !

Gaël Chatelain-Berry : J’ai l’impression qu’avec la pandémie et le chômage qui baisse, le niveau d’attentes de la part des candidats a nettement augmenté, non ?

Christel de Foucault : Je confirme ce point à 100% : ce que j’observe tous diplômes et tous âges confondus sur les nouvelles générations est que, même s’ils galèrent, les candidats veulent choisir une entreprise qui leur correspond notamment au niveau des valeurs.

G.C.B : Penses-tu qu’aujourd’hui, un candidat pourrait accepter un boulot où l’entreprise dit « Chez nous, il n’y a pas de télétravail, parce qu’on privilégie le lien » ?

C.D.F : Tout dépend de la manière dont c’est amené ; si tout au long du processus de recrutement il y a eu cette notion de lien, si le candidat sent une bonne ambiance, a l’impression que les collaborateurs ont l’air d’être des ambassadeurs. Encore maintenant, les entreprises ont tendance à complètement oublier l’onboarding. Je pense qu’un candidat peut l’entendre (mais refuser s’il veut), s’il a l’impression qu’il y a une cohérence entre la personne, ce qu’elle dit, et tout le processus qu’il a vécu.

G.C.B : J’ai quand même le sentiment que les personnes qui refusent le télétravail, c’est avant tout parce qu’elles n’ont pas confiance.

C.D.F : Je te confirme qu’il y a des managers de ma génération, donc des quinquas, qui sont sur d’anciens modes de travail et qui, maintenant qu’ils sont managers, ont envie d’avoir leur équipe physiquement sur place. C’est un peu comme s’ils gardaient la maîtrise.

G.C.B : Alors j’avais une question Christel sur l’expérience collaborateur. Je dis souvent que l’expérience
collaborateur commence au moment où on est candidat. Est-ce que tu me rejoins là-dessus ?

C.D.F : Complètement, c’est d’ailleurs un point de notre livre « Entreprises : sept leviers pour renforcer votre pouvoir d’attraction » avec Florence [Marty] sur la marque employeur, puisque les premiers chapitres sont consacrés aux candidats. Non seulement un candidat devrait être considéré comme un collaborateur mais pour moi, c’est même un potentiel client, partenaire, distributeur,…

G.C.B : Quels sont les conseils que tu donnerais à un recruteur pour se vendre ? Je crois que de plus en plus les entreprises vont devoir se vendre auprès des candidats puisque l’on va parler d’expérience futur-collaborateur et après d’onboarding.

C.D.F : Je pense aux côtés humain et bienveillant : on peut faire faire tous les types d’exercices, poser toutes les questions tant que c’est fait avec bienveillance, de façon professionnelle, avec un vrai but derrière. La nouvelle génération est attentive à la qualité des
premiers contacts et aux pratiques RSE, au-delà du salaire.

G.C.B : C’est marrant parce que le salaire est remonté au numéro 2 des exigences des candidats dans le baromètre « Empreinte Humaine ». J’ai l’impression que la pression sur les salaires est pourtant en train de revenir, en même temps que les débats sur le pouvoir d’achat.

C.D.F : On a beaucoup parlé des valeurs, du bien-être, de l’équilibre vie pro / vie perso etc. Je pense que le salaire est revenu parce que les candidats ont un peu plus pris le pouvoir et peuvent alors négocier.

G.C.B : Qu’est-ce qu’un bon onboarding ?

C.D.F : Un premier critère important, l’accueil : à la fois de mon N+1, mais des collaborateurs, avoir l’impression qu’on est attendu.
Il y a aussi l’accueil lié au matériel, avoir mon contrat de travail, mon ordinateur, mon téléphone, mon badge, ma voiture s’il faut, ma carte de parking, pour techniquement me créer mon espace de travail. Et dans le troisième point, je pense que dans un bon onboarding, il faut que l’entreprise accepte mon incompétence pour me permettre moi-même de l’accepter. Je ne connais personne qui puisse être compétent et opérationnel le premier jour, la première semaine ou les premières semaines dans une entreprise.
Mais le plus important avant l’accueil, c’est la période d’incompétence : accepter que les nouveaux entrants ne soient pas opérationnels dès leur arrivée. C’est même entre le moment de la signature du contrat et l’onboarding qu’il faut faire attention.
Il y a tout cet espace-temps qui doit être réussi car le collaborateur est encore volatil. S’il y a une soirée, invitez-le à la soirée ; envoyez le badge, le contrat dans une jolie enveloppe pour montrer que le collaborateur existe. Mes trois conseils pour réussir un onboarding : montrer que je suis attendu humainement, que je suis attendu matériellement, et que l’entreprise accepte mon incompétence au moment où j’arrive.

G.C.B : Une dernière petite question, est-ce que parfois, dans l’expérience collaborateur, les entreprises se trompent en se disant «Je vais faire des séances de yoga et tout va bien aller » ? Avant de s’occuper de l’essentiel qui va être l’équilibre vie pro / vie perso, les salaires, le feedback, la reconnaissance au travail, ils se disent « Je vais mettre la cerise alors que je n’ai pas encore préparé le gâteau ».

C.D.F : Complètement, on fait croire qu’on travaille sa marque employeur. Mais si les conditions de travail et le management sont mauvais, qu’il y a de la pression, dix massages ne changeront rien. Personne ne veut jouer au baby-foot avec des collègues avec qui l’on a de mauvaises relations.

G.C.B : Plus ça va, plus je me dis qu’il faut revenir aux basiques, simplement revenir à «formons nos managers»

C.D.F : Tout part du manager. Il faut aussi lui faciliter le chemin, comme un parent avec son enfant. Moi je ne suis pas du tout pour cette éducation où l’on appuie sur les fautes : «Je te mets en difficulté parce que ça il faut le mériter». Le rôle du manager est de faciliter et d’aider l’autre à grandir, à s’épanouir. C’est-à-dire que plutôt que juger quelqu’un, il faut le mettre dans un environnement tellement propice qu’il va être bon. Quand on est heureux on est bon.

G.C.B : Il serait bien qu’on apprenne à souligner en vert ce que les gens font bien plutôt de souligner systématiquement en rouge ce qu’ils font mal.

C.D.F : Pointer tout le temps les dysfonctionnements enfonce l’autre, alors qu’en le soutenant, en disant : «Ce que tu fais c’est génial bravo continue», non seulement il va continuer mais en plus il va avoir envie de faire d’autres choses.

G.C.B : Je ne sais pas si tu connais ce chiffre Christel : un manager va passer 80% de son temps avec 20% de son équipe à cause de ses affinités c’est terrible quand même.

C.D.F : Je pense que c’est à cause de ses affinités et à cause de ses faiblesses parce que c’est ce que j’ai observé chez les managers que j’ai pu accompagner : ceux qui restent beaucoup dans leur bureau, c’est souvent parce qu’ils n’ont pas un bon relationnel avec leurs équipes et qu’ils se sentent en difficulté. Ça peut être même parfois une très grande timidité d’un manager qui ne veut pas le montrer, un problème relationnel ou autre. Je trouve que les managers défaillants sont aussi souvent ceux qui restent entre managers, parce qu’ils n’arrivent pas à aller au contact de leurs équipes.