Gestion de l'entreprise

Ai-je le droit d’effectuer des tâches personnelles sur mon lieu de travail ?

Difficile de définir une limite à ne pas dépasser entre la vie privée et la sphère professionnelle depuis son espace de travail. S’il est normal de gérer certains aspects personnels depuis le bureau, il ne faut pas non plus en abuser. Qu’est-ce qui est autorisé ou non pour le salarié ? Et comment l'entreprise peut-elle intervenir ?
#vie professionnelle #vie personnelle #Réglementation #Liberté au travail
30 mars 2020
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Ai-je le droit d’effectuer des choses personnelles sur mon lieu de travail ?

Avec les nouvelles technologies, la limite entre la vie privée et la sphère professionnelle est relativement floue. S’il est courant de répondre à un e-mail ou de boucler un dossier depuis la maison, il est tout aussi naturel de gérer certains aspects personnels depuis son lieu de travail. Qu’est-ce qui est autorisé ou non pour le salarié dans l’entreprise ? Et l’employeur, dans quelles mesures et droits peut-il intervenir ?

Le divertissement est-il autorisé sur son lieu de travail ?

Est-il possible d’écouter de la musique en travaillant ?

Pour s’isoler des bruits ambiants, certaines personnes écoutent de la musique pendant leur travail. Elles en ont le droit puisque aucune loi ni aucun article du Code du travail ne l’interdit, avec ou sans casque. Néanmoins, le fait d’écouter de la musique ne doit pas attenter à la sécurité du salarié ni à celle de ses collègues, et ne doit pas nuire à la qualité du travail et au temps de travail. Ce sont les droits de l’employeur de fixer des limites qui doivent être précisées dans le règlement intérieur ou dans une note de service.

Regarder un match sur son lieu de travail est-il autorisé ?

Autre activité régulièrement effectuée dans l’entreprise pendant son temps de travail : regarder un match. Que risquent les passionnés qui suivent la rencontre depuis leur écran d’ordinateur ou leur téléphone ? Si c’est exceptionnel, ils peuvent demander l’autorisation de leur hiérarchie. Sinon, ils encourent une sanction (Cour d’appel de Metz, 20 août 2014, N° 13/02845).

Les tâches à caractère personnel sur son lieu de travail

Est-il toléré de faire livrer un colis sur son lieu de travail ?

Il est courant, pour un salarié, de choisir comme adresse de livraison celle de son entreprise. Il faut savoir que les colis livrés sur le lieu de travail sont considérés comme professionnels, sauf si la mention « personnel » apparaît clairement. L’employeur est donc en droit de les ouvrir (Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 2012, n° 11–22972 : les correspondances adressées ou reçues par le salarié dans l’entreprise pendant son temps de travail sont présumées avoir un caractère professionnel). En règle générale, cette pratique est tolérée si elle reste exceptionnelle et n’entrave pas le fonctionnement de l’entreprise.

Peut-on amener son enfant ou son animal au travail ?

Autre situation à laquelle peuvent être confrontés les salariés : amener leur enfant au travail. Ce cas de figure n’est pas mentionné dans le Code du travail, mais peut être indiqué dans le cadre du règlement intérieur de l’entreprise. L’accord de l’employeur est nécessaire et ce dernier peut s’opposer à la présence d’un enfant s’il juge que sa sécurité ou celle des salariés est en jeu. Enfin, un salarié peut avoir besoin de venir au travail avec son animal de compagnie. Il doit, pour le faire, demander l’accord de son employeur, qui est garant de la sécurité et de l’hygiène au sein de l’entreprise. Il est préférable également d’avoir l’assentiment de ses collègues qui peuvent être allergiques ou phobiques.

Les déjeuners et l’alcool au bureau : qu’est-ce qui est interdit par la loi ?

Est-il possible de déjeuner à son poste de travail ?

En fonction du nombre de personnes qui demandent à déjeuner au sein de l’entreprise, l’employeur est tenu de mettre à disposition des salariés un lieu dédié aux repas. C’est l’article R 4228-23 al. 1 du Code du travail qui l’impose dans les entreprises de moins de 50 salariés. Au-delà, l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale est à respecter. Quant à l’article R 4228-19 du Code du travail, il précise : « Il est interdit » aux employeurs « de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail ». De ce fait, même s’il est parfois tentant de prendre son déjeuner à son poste de travail ou devant son ordinateur pendant la pause, cela est prohibé.

L’alcool est-il toléré sur son lieu de travail ?

Les pots sont réglementés par l’article R.4228-20 du Code du travail. Ce dernier prévoit qu’« aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ». Afin d’établir les limites sur d’autres boissons, l’employeur peut ajouter une clause au règlement intérieur ou diffuser une note de service. Dans tous les cas, les alcools forts sont interdits en entreprise, tout comme l’état d’ébriété. L’article R4228-21 du Code du travail stipule qu’« il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse ». Le salarié doit alors être raccompagné chez lui et encourt une sanction si son comportement a entraîné une situation néfaste pour l’entreprise.

L’utilisation de son matériel professionnel à des fins personnelles

Il est possible d’utiliser sa ligne téléphonique et son e-mail professionnels pendant les heures de travail à des fins personnelles. De même, il est admis de faire des recherches sur Internet depuis son ordinateur professionnel, depuis son lieu de travail ou son domicile. L’employeur peut néanmoins interdire l’accès à certains sites ou forums. Ces usages sont généralement tolérés s’ils sont modérés, ne remettent pas en cause la sécurisation des données de l’entreprise et n’altèrent pas la qualité et le temps de travail. En cas d’abus, face à un usage systématique et répété, un licenciement pour faute grave peut être envisagé et se faire, s’il est considéré que les obligations contractuelles du salarié sont bafouées (Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2013, pourvoi n° 11-27372).

Quels sont les droits de l’employeur ?

Ce que l’employeur peut consulter sur votre ordinateur professionnel

L’ordinateur professionnel étant la propriété de l’entreprise, l’employeur est en droit de consulter l’historique de navigation, les e-mails et les dossiers du salarié. Seuls les messages portant la mention « personnel » ou « confidentiel » ne sont pas consultables, même en présence du salarié. Quant aux dossiers enregistrés sur l’ordinateur, l’employeur peut y accéder, sauf s’ils sont clairement identifiés comme personnels. Cependant, s’il s’agit de documents illégaux (morceaux de musique ou films téléchargés de façon illicite ou images à caractère pornographique), ils peuvent entraîner des sanctions allant jusqu’au licenciement pour faute grave (Cour de cassation, chambre sociale, 8 décembre 2009, pourvoi n° 08-42097).

Quels contrôles l’employeur peut-il imposer à son salarié ?

L’employeur peut mettre en place différents types de contrôles. Pour la consommation d’alcool, il est en droit de soumettre le salarié à un test d’alcoolémie, mais uniquement dans un cas précis et dans le cas d’une situation dangereuse. Face à une menace exceptionnelle comme une alerte à la bombe ou une attaque armée, l’employeur peut recourir à une fouille tant qu’elle reste temporaire et dans un cas de force majeure (Cour de cassation, chambre sociale, 3 avril 2001, pourvoi n° 98-45818). La fouille systématique n’est pas permise, sauf dans certaines infrastructures spécifiques. En ce qui concerne l’ouverture d’un casier, l’employeur doit demander l’autorisation au salarié. Si ce dernier est averti, l’employeur peut ouvrir le casier, même en son absence. Dans le cas où des substances illicites sont découvertes, un licenciement peut être envisagé.

Les limites mises en place par l’employeur

L’employeur dispose de divers moyens pour définir les limites de l’utilisation du matériel professionnel à des fins personnelles comme : les contrôles réguliers des appels téléphoniques passés, sites consultés ou téléchargements effectués, les accès restreints ou fermés à certains sites grâce à un système de filtrage, ou encore les dispositifs de mesure pour déterminer la fréquence des envois d’e-mails personnels. L’objectif est de veiller au maintien de la productivité de chaque salarié et à la qualité de son travail. De plus, il est primordial de protéger le matériel et les données de l’entreprise et de garantir leur sécurité et leur confidentialité. Une communication efficace auprès des différents services permet de poser un cadre. La mise en place de procédures et de mentions spécifiques dans le règlement intérieur détermine les droits et les interdictions au sein de l’entreprise. En cas d’abus, en dernier recours, des sanctions sont appliquées. Elles peuvent aller de l’avertissement au licenciement, en passant par le blâme ou la mise à pied. Elles sont déterminées en fonction de la nature de la faute, de l’impact sur le fonctionnement de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. De nombreuses activités personnelles sont tolérées sur le lieu de travail, tant qu’elles ne sont pas abusives en temps ni en fréquence. Dans certains cas, les limites sont fixées par le Code du travail. Dans d’autres, elles dépendent du type d’entreprise, de son activité et de sa gestion et sont précisées dans le règlement intérieur. Face à un abus ou à une situation exceptionnelle, tant que la sécurité n’est pas en jeu, il est toujours préférable de privilégier la discussion et la communication. Éviter les conflits et la mise en place de sanctions, dans la mesure du possible, permet à l’employeur de montrer aux salariés son respect vis-à-vis de leur liberté.

Ai-je le droit d’effectuer des choses personnelles sur mon lieu de travail ?