Ressources Humaines

Eloge du travail manuel... par un intellectuel « défroqué »

Gros succès en librairie aux USA, «Eloge du carburateur » est le récit autobiographique d’un universitaire qui a quitté sans regret le monde aseptisé et dépassionné des bureaux pour ouvrir... un atelier de réparation de motos de collection. Une trajectoire qui tente de plus en plus les « bac +5 », lesquels (re)découvrent avec plaisir les joies du travail manuel et le sentiment d’accomplissement qui l’accompagne.
#Eloge du carburateur
21 février 2017
artisanat

Gros succès en librairie aux USA, «Eloge du carburateur » est le récit autobiographique d’un universitaire qui a quitté sans regret le monde aseptisé et dépassionné des bureaux pour ouvrir... un atelier de réparation de motos de collection. Une trajectoire qui tente de plus en plus les « bac +5 », lesquels (re)découvrent avec plaisir les joies du travail manuel et le sentiment d’accomplissement qui l’accompagne.

Le travail manuel retrouverait-il grâce, dans notre société vouée depuis des décennies à la glorification des métiers « intellectuels » et des CSP+ ? On peut l’espérer et récemment, plusieurs reportages TV en France nous ont montré des exemples de réussite d’une transition pas si naturelle, tant le discours ambiant incite les jeunes à chercher avant tout le « confort » d’un emploi de cadre, si possible dans un bureau de la Défense.

Aux Etats-Unis aussi, la tendance est amorcée. En témoigne le succès en librairie de « Eloge du Carburateur » (*), le récit autobiographique d’un ancien directeur de cercle de réflexions stratégiques – en fait du lobbying - travaillant dans des bureaux à Washington pour le compte des sociétés pétrolières.

Mattew Crawford avait bien fait les études pour cela. Mais il se lasse vite de ce travail ennuyeux et choisit une voie... de garage (du moins aux yeux des élites), en l’occurrence la reprise d’un atelier de réparation de motos, situé à Richmond en Virginie. Et il se montre caustique envers ses anciens confrères, pourtant glorifiés dans le monde actuel : « La génération actuelle de révolutionnaires du management considère l'artisanat comme un obstacle à éliminer. On lui préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique ». Mais en fait, « ce travail intellectuel dont on nous rebat les oreilles, se révèle pauvre et déresponsabilisant ».

Au contraire du travail de l’artisan : « J'ai toujours éprouvé un sentiment de créativité et de compétence beaucoup plus aigu dans l'exercice d'une tâche manuelle ». Le livre fourmille d’anecdotes truculentes, se révèle vraiment plaisant à lire. Et quand son auteur se risque à philosopher, c’est avec bonheur : « La disparition des outils de notre horizon éducatif est le premier pas sur la voie de l'ignorance totale » écrit-il. Celle qui règne dans ce monde virtualisé où nous vivons désormais et où, faute de repères dans le monde matériel, les individus sont condamnés à être de plus en plus dépendants. « Ce que les gens ordinaires fabriquaient hier, aujourd'hui, ils l'achètent ; et ce qu'ils réparaient eux-mêmes, ils le remplacent intégralement ». Et c’est tout naturellement que son ouvrage devient un plaidoyer pour tous ceux qui s’épanouissent en fabricant ou en réparant des objets. A lire absolument avant d’ouvrir l’atelier !

Eloge du Carburateur (essai sur le sens et la valeur du travail) de Mattew Crawford. Collection Cahier Libre. Editions La Découverte