RSE

Le mécénat de compétences : un engagement réciproque

Alors que bien des entreprises s’interrogent et s’inquiètent d’un manque d’engagement de leurs collaborateurs, le mécénat de compétences apporte des réponses innovantes. En renforçant l’image de l’employeur, et en permettant au salarié de s’investir dans des causes qui lui sont chères, il occupe une place particulière, à l’intersection entre la RH et la RSE.
#Bien-être salarié #Motivation salaries #DRH
05 janvier 2016

Alors que bien des entreprises s’interrogent et s’inquiètent d’un manque d’engagement de leurs collaborateurs, le mécénat de compétences apporte des réponses innovantes. En renforçant l’image de l’employeur, et en permettant au salarié de s’investir dans des causes qui lui sont chères, il occupe une place particulière, à l’intersection entre la RH et la RSE.

En quoi consiste le mécénat de compétences ?

Le mécénat de compétences consiste à détacher de façon provisoire ou permanente le collaborateur d’une entreprise au sein d’une association défendant une cause reconnue d’utilité publique (intérêt général). Il s’inscrit, aux côtés du mécénat financier (dons aux organismes) et du mécénat en nature, dans la grande famille du mécénat d’entreprise. Près de 24 000 entreprises pratiquent aujourd’hui le mécénat de compétences en France, soit 15% de l’ensemble de celles qui pratiquent le mécénat d’entreprises (source Admical/CSA 2014).

Il existe également un bénévolat de compétences, qui permet à un salarié de travailler, es qualités, pour une association, parfois en utilisant des ressources de l’entreprise (ordinateurs, locaux, voitures), mais sans le rémunérer. Mécénat et bénévolat de compétences sont souvent associés, dans la bouche des spécialistes, en tant que mécanismes d’implication des salariés.

Une pratique en plein développement

Chez IMS-entreprendre pour la Cité, institut qui s’est donné pour objectif d’accompagner les entreprises dans le développement de leurs stratégies RSE, ces nouvelles pratiques sont observées de près. « Cette forme de mécénat se développe. Parmi les entreprises dotées de fondations et fonds de dotation, que nous avons interrogées avec Ernst and Young en 2014, nous avons noté sur 2012 une progression de 9% du temps de travail libéré pour les collaborateurs. 70% d’entre elles – majoritairement des grands comptes, NDLR -, nous disaient avoir développé des mécanismes d’implication des collaborateurs (dont le mécénat de compétences pour 56% d’entre elles), tandis qu'un quart y songeaient dans un avenir proche » explique Sylvain Reymond, Responsable projets Mécénat & Partenariats solidaires.

Les responsables de stratégies RSE apprécient notamment de pouvoir choisir les associations qui bénéficieront de leur soutien, parfois en concertation avec leurs salariés ou leurs représentants, mais pas obligatoirement. « De fait, nous assistons depuis quelques années à un recentrage des actions, dans une logique de recherche d’efficacité. Les entreprises préfèrent déléguer leurs collaborateurs sur des missions où ils pourront développer leurs propres compétences professionnelles ».

Un avantage fiscal conséquent

La pratique n’est pas réservée aux grandes entreprises, même si les plus petites pratiquent plutôt le bénévolat de compétences pour commencer. « Cependant, même les PME s’ouvrent aujourd’hui au mécénat de compétences » poursuit l’expert. A noter que celui-ci ouvre le droit à un avantage fiscal important puisque les actions de mécénat sont éligibles à une réduction d’impôt égale à 60% des sommes engagées, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise (Loi Aillagon, instruction fiscale du 13 juillet 2004, BO des Impôts 4C-5-04). « Mais près des deux-tiers des ayant-droits (65%) ne la réclament pas », remarque Sylvain Reymond. Cela ne les empêche pas de consentir des investissements en hausse chaque année, «dans une fourchette allant de cinq jours annuels de libération du collaborateur au profit d’une association, jusqu’à deux jours mensuels lorsque les entreprises détachent des salariés à temps plein ».

Les vertus de l’engagement réciproque

Même si l’encouragement fiscal est séduisant, d’autres motivations, bien plus puissantes, sont de nature à intéresser les DRH.

Le collaborateur améliore ses compétences : En préférant des missions dans son cœur de métier, par exemple l’informatisation d’une gestion d’association pour un informaticien, ou l’élaboration d’une campagne de recrutement de donateur pour un spécialiste du marketing, l’employeur fait coup double : non seulement la qualité de la prestation effectuée augmente, ce qui rehausse son image extérieure, mais il peut également en attendre un renforcement des compétences de son collaborateur, qui aura expérimenté d’autres méthodes de travail, d’autres contextes collaboratifs, d’autres techniques ou technologies.

La cohésion interne se renforce : La réussite de projets impliquant plusieurs collaborateurs, éventuellement issus de services différents, contribue à renforcer la cohésion des équipes. Et peut-être encore plus lorsque la mission leur permet d’aborder des univers très différents de leur quotidien personnel et professionnel : La Financière de l’Echiquier explique ainsi dans un recueil de témoignages d’entreprises édité par Admical et ProBono Lab , l’impact considérable qu’a eu un chantier de revalorisation de logements sociaux menés à bien avec leurs futurs occupants, des SDF !

L’entreprise valorise sa marque employeur, en interne comme en externe : Les jeunes générations sont-elles démotivées par l’entreprise ? Pas si simple. Ce sont les ressorts de leur engagement qui évoluent. Le mécénat de compétences, en leur offrant la possibilité de consacrer du temps et leurs compétences à des causes qui leur sont chères, renouvellent positivement l’image qu’elles se font de leur employeur. L’entreprise peut également communiquer – avec sobriété et précision – en direction de ses partenaires, clients ou fournisseurs, et bien sûr auprès de ses futurs collaborateurs lors de ses opérations de recrutement.

Et pourquoi pas une préparation à la reconversion des seniors ? Il faut également penser aux collaborateurs plus expérimentés. Le sujet est encore largement tabou mais, en leur accordant la possibilité de s’investir dans des associations, par exemple grâce à des aménagements de temps partiel, l’entreprise comme le salarié peuvent faire l’économie d’une gestion conflictuelle ou, au moins, délicate, de ces périodes de transition. Une forme d’out placement en quelque sorte…

Des stratégies d’entreprises à structurer

Les pistes sont donc prometteuses, pour l’employeur comme pour le salarié en quête de sens dans sa vie professionnelle. Une bonne raison pour ne pas négliger, au-delà des élans de solidarité initiaux, de structurer les démarches, ainsi que l’illustre ce recueil de témoignages d’IMS.

Et ce n’est pas toujours qu’une question de moyens. Ainsi, la PME Eurotab, spécialiste de la compression des poudres en région stéphanoise, s’est lancée depuis quatre ans dans l’aventure, avec pour principal arme une bonne dose de bon sens… et l’esprit d’entraide de ses salariés. « Notre programme Pegase n’a pas de structure juridique à proprement parler, explique le DRH François-Xavier Poinso. Mais il fonctionne très bien, sur une règle simple : l’entreprise attribue des financements à des associations dans lesquelles certains de nos collaborateurs s’investissent déjà. Ils deviennent les défenseurs de leurs dossiers, et lorsqu’ils sont sélectionnés, en retirent une grande fierté ». Eurotab soutient des initiatives locales, dans les sphères humanitaires, sportives, artistiques ou encore environnementales. « Cela nous permet de démontrer notre engagement de proximité, notamment auprès des collaborateurs. Il y a un vrai enjeu de communication interne à développer. Et côté DRH, croyez-moi : à bien des reprises, nous avons découvert avec admiration chez nos collaborateurs des compétences totalement inattendues  ! ».