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Rendre audibles les handicaps invisibles

La société commence à prendre conscience des handicaps invisibles, mais dans l'imagerie médiatique, le handicap se résume généralement au fauteuil roulant ou à la canne blanche. Quels sont ces handicaps invisibles et que doit faire le manager qui y est confronté ?
#Santé #Handicap #Discrimination
09 avril 2015

La société commence à prendre conscience des handicaps invisibles, mais dans l'imagerie médiatique, le handicap se résume généralement au fauteuil roulant ou à la canne blanche. Quels sont ces handicaps invisibles et que doit faire le manager qui y est confronté ?

Un bourdonnement, un sifflement ou même un tintement dont l'intensité varie en fonction des situations : depuis quatre ans, Henri-Guilhem Arles souffre d'acouphènes, qui n'ont été diagnostiqués que voilà six mois. Une réunion au cours de laquelle trois personnes parlent en même temps, et il n'entend plus assez bien, ne comprend plus l'ensemble des paroles.

« Ce n'est pas suffisamment grave pour être considéré comme un handicap sérieux, estime-t-il, mais suffisamment gênant pour me perturber dans ma vie professionnelle. » D'autant qu'il est commercial, un métier où il faut être en permanence à l'écoute.

80 % des situations de handicap

Henri-Guilhem souffre de ce que l'on appelle un handicap invisible. Il en existe beaucoup d’autres : diabète, cancer, migraines, sclérose en plaques, dépression chronique, claustrophobie, rhumatismes, allergies… sont autant de pathologies qui créent des handicaps invisibles. Ces derniers représentent environ 80 % des situations de handicap. Souvent, ils apparaissent en cours de vie.

« Pour les Français, le handicap, c'est le fauteuil roulant ou la canne blanche », remarque Erwan Le Saux, consultant chez Atouts & Handicap, un cabinet qui accompagne les entreprises pour intégrer les handicapés. Cette image contribue à minimiser le handicap lorsqu'il n'est pas visible, même s'il est bien réel. « Tant qu'on ne le vit pas, on ne peut pas comprendre », souligne Henri-Guilhem.

Accepter d'en parler

D'autant que « la question n'est généralement évoquée que sous l'angle de la pathologie et non de ses conséquences, explique Erwan Le Saux. Par exemple, personne ne sait que la fatigabilité constitue l'un des principaux handicaps des personnes de petite taille. » Ce qui est difficile à imaginer pour des personnes visiblement différentes, l'est encore davantage lorsque rien ne laisse transparaître les difficultés rencontrées.

Encore faut-il que les personnes concernées acceptent d'en parler. « On ne veut pas être considéré comme amoindri », reconnaît Henri-Guilhem. Et « parce qu'il est invisible, il est plus difficile d'accepter soi-même ce type de handicap, et donc d'en parler », renchérit Stéphane Rivière, fondateur du cabinet Talenteo créé pour faciliter la rencontre entre entreprises et professionnels en situation de handicap.

Sans compter que certains handicaps font peur, notamment ceux liés à des troubles psychiques. Selon l'Agefiph, l'organisme qui gère les fonds destinés à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, les troubles psychologiques représentent 8 % des handicaps reconnus, alors que l'OMS estime que 25 % de la population en souffre. Une grande partie des personnes atteintes cachent donc leur handicap.

Un silence qui peut aggraver les symptômes

La peur d'être stigmatisé ou tout simplement d'être considéré comme différent dans une société très standardisée, explique en grande partie ce silence de ces personnes. Mais ce silence ne fait bien souvent que renforcer les symptômes, notamment dans les pathologies psychiatriques.

Certains ne savent même pas que leur handicap peut être reconnu, tel ce commercial qui souffre le martyre en voiture du fait d'une hernie discale. Ce qui peut constituer un handicap dans un métier ne l'est pas forcément dans un autre. « Par exemple, l'allergie à la farine vous place en situation de handicap si vous travaillez chez un boulanger, pas si vous êtes secrétaire médical », illustre Erwan Le Saux.

Objectif du manager : repérer les “signaux faibles” des handicaps invisibles

Mais c'est aussi « la vraie qualité d'un manager de savoir repérer les “signaux faibles” », estime Stéphane Rivière. Une fatigue récurrente, des absences nombreuses, des demandes fréquentes de répéter ce qui vient d'être dit en réunion… autant d'indices qui peuvent faire penser à un handicap invisible.

Reste à aborder la question : « Il ne faut pas le faire frontalement, ne pas catégoriser, ne pas fermer, mais au contraire rester ouvert à trouver des solutions », répond Stéphane Rivière.

Faire connaître son handicap invisible permet à l'entreprise d'agir. La médecine du travail et les missions handicap peuvent intervenir pour trouver des solutions techniques ou organisationnelles. Des solutions plus pérennes que les arrangements trouvés avec les collègues à qui l'on a pu confier son handicap, sous le sceau du secret, et qui se trouvent alors placés dans une situation délicate à gérer. Henri-Guilhem a décidé, lui, de parler de ses acouphènes. Il se demande ce que cela pourrait changer s'ils étaient reconnus officiellement comme handicap. Mais sa démarche aura au moins eu le mérite de libérer la parole d'autres collègues qui souffrent des mêmes symptômes. Pour rendre audible ce qui demeure invisible.

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Les chiffres clés du handicap

  • 12 millions de français sur 65 millions sont touchés par un handicap.
  • 80 % présentent un handicap invisible, 1,5 million sont atteints d’une déficience visuelle et 850 000 ont une mobilité réduite.
  • 13,4% ont une déficience motrice,
  • 11,4% sont atteints d’une déficience sensorielle,
  • 9,8% souffrent d’une déficience organique,
  • 6,6% sont atteints une déficience intellectuelle ou mentale,
  • 2 à 3% de la population utilise un fauteuil roulant.

Source INSEE