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Complémentaires santé obligatoires au 1er janvier : les dix questions clés

Le premier janvier 2016, tous les salariés du privé devront se voir proposer une assurance complémentaire de santé financée en partie par leur entreprise. Un dispositif nouveau et encore complexe pour les PME.
#Accompagnement du changement #Avantages sociaux #Santé
10 septembre 2015

Le premier janvier 2016, tous les salariés du privé devront se voir proposer une assurance complémentaire de santé financée en partie par leur entreprise. Un dispositif nouveau et encore complexe pour les PME. Raison de plus pour comprendre au plus tôt ses implications. Décryptage avec Rachid Aouchiche, Directeur des Ressources Humaines chez La Centrale de Règlement des Titres.

La mise en place d’une complémentaire santé pour l’ensemble des salariés du privé (13 millions de personnes) est l’une des mesures phare de l’ANI (accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi). Dans environ 500 000 TPE et PME, représentant quatre millions d’actifs et, avec leurs familles (ayant droits), un total de dix millions de personnes, ce 1er janvier 2016 sera à marquer d’une pierre blanche. Avec à la clé, de nombreuses questions pour les dirigeants des entreprises concernées.

1 : Quelles sont mes obligations en tant que chef d’entreprise ?

Quelle que soit la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité, au 1er janvier 2016, l’ensemble des catégories de personnel devra se voir proposer une complémentaire santé. Cette assurance doit comporter un ensemble de prestations a minima, appelé panier de soins et défini par décret le 8 septembre 2014. À noter que l’employeur peut toutefois décider d’assujettir la proposition à un minimum de présence de six mois dans l’emploi.

La responsabilité du dirigeant porte sur la réalité de cette couverture santé au premier janvier 2016. En particulier, une fois le choix de l’organisme assureur validé, c’est à lui de collecter les données de ses salariés et de les transmettre à l’organisme.

2 : Qui paye les cotisations ?

Autre obligation de taille pour l’entreprise : le financement de cette complémentaire. « Elle doit s’acquitter, au minimum, de 50% des frais correspondant à la fourniture de ce panier de soins » explique Rachid Aouchiche. « Mais bien sûr, elle peut aller au-delà. Soit en participant plus généreusement au panier de soins, soit en élargissant la couverture avec des options supplémentaires, à condition de la proposer à l’ensemble des collaborateurs ».

3 : Comment et avec qui négocier le choix de la mutuelle ?

Le chef d’entreprise peut retenir l’assureur choisi dans le cadre d’un accord de branche professionnel. Mais la loi ne l’y oblige pas. Et encore peu d’accords de ce type ont déjà été signés. Quand ils existent, ils présentent néanmoins l’avantage d’avoir été négociés par des juristes compétents, et d’offrir de ce fait des garanties en matière de respect des obligations de l’employeur.

Dans tous les cas, l'employeur devra toujours tenter d’obtenir l’assentiment de ses salariés. Par l’intermédiaire des instances représentatives du personnel s’il en existe, pour obtenir la signature d’un accord d’entreprise. À défaut, il peut procéder par voie référendaire auprès des salariés. Enfin, il garde la possibilité de prendre une DUE (Décision Unilatérale de l’Employeur), c'est-à-dire d’imposer son choix à ses salariés. Mais dans ce cas, ces derniers ont le droit de refuser de s’acquitter de la part de cotisations qui leur reviennent.

Quelle que soit la méthode employée, des traces écrites seront bien utiles lors d’éventuels contrôles ultérieurs des Urssaf ou de litiges avec des employés.

4 : Quelles sont les conséquences financières et fiscales de cette nouvelle réglementation ?

Pour les entreprises, la part prise au financement de la complémentaire de ses salariés est exemptée de cotisations patronales sous conditions de plafond. Mais elle reste assujettie à la CSG en tant que revenus d’activité (7,5 %), à la CRDS (0,5 %), ainsi qu’au forfait social au taux de 8 % (sauf pour les entreprises de moins de 10 salariés).

Les salariés ne sont plus exemptés d’impôt sur le revenu sur la contribution patronale, mais demeurent exemptés pour la contribution salariale, avec un plafond limite là aussi. « Sur ce point, souligne Rachid Aouchiche, il va falloir de la pédagogie de la part de l’employeur. Car non seulement le salarié va se voir amputé sur sa fiche de paye du montant mensuel des cotisations lui revenant, mais de plus, son revenu imposable va augmenter ».

5 : Puis-je choisir n’importe quelle mutuelle ?

Oui, mais en prenant des précautions. Vous pouvez aussi retenir plusieurs prestataires, notamment pour différencier les prestations proposées aux cadres et aux non-cadres. Parmi eux, des mutuelles d’assurances, des institutions de prévoyance, ou des sociétés d’assurances proposant des contrats de complémentaire santé, éventuellement par l’intermédiaire d’un courtier agréé.

Mais pour bénéficier des aides sociales et fiscales, les contrats de complémentaire santé devront être réputés « responsables ». Enfin, le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux est lié à l’obligation d’afficher les frais commerciaux et de gestion de l’assureur qui opère la complémentaire santé d’entreprise.

6 : Quelles sanctions risque-je en cas de non-respect de mes obligations ?

Le gouvernement n’a pas encore légiféré sur les sanctions en cas d’absence de complémentaire santé pour les salariés d’une entreprise au premier janvier. En revanche, il est déjà certain que la moindre entorse à toutes les règles exposées ci-dessus fera perdre l’ensemble des avantages sociaux et fiscaux et surtout exposera à des risques de redressement d’Urssaf. Attention donc à bien les respecter. Notre conseil : appuyez-vous sur les experts de votre branche syndicale patronale et/ou sur votre expert-comptable pour vérifier les dires des prestataires qui vous démarchent en matière de conformité de leurs contrats

7 : Il y a des offres à moins de vingt euros par mois et par salarié. J’y vais ?

« Ces offres méritent d’être étudiées, convient Rachid Aouchiche, mais ce sont des tarifs d’appel, pour engranger une nouvelle clientèle. Sont-ils réalistes sur le long terme ? C’est une autre question. Car il faut bien se souvenir qu’une complémentaire privée obéit à une logique implacable. Les remboursements cumulés pour tous les salariés de l’entreprise doivent à la fin de l’année être inférieurs aux cotisations perçues par le prestataire. Sinon, les tarifs augmenteront ».

8 : Si je suis mécontent de mon premier choix, ai-je le droit de changer de mutuelle rapidement ?

Oui, comme avec tout contrat d’assurance. Cependant, si le motif de votre départ est la hausse des tarifs de votre prestataire, et que vous partez en mauvais termes, mieux vaut savoir que comme pour une assurance auto, il est illusoire d’espérer trouver une oreille bienveillante auprès d’autres assureurs. Au contraire…

9 : Quelle est la philosophie de cette nouvelle réglementation ? Et quelle devrait être la mienne ?

« Au lieu de considérer l’amélioration de la couverture santé de leurs salariés, les entreprises ont cristallisé leur mécontentement sur les nouvelles obligations créées ». Pour Rachid Aouchiche, c’est une erreur : « Il faut bien comprendre que la tendance est à un désengagement progressif de la part de la Sécurité sociale dans les remboursements de santé, du moins pour ceux qui peuvent s’acquitter de cotisations d’assurances complémentaires ou en bénéficier par l’intermédiaire de leur entreprise. Ce n’est sans doute qu’un premier pas. Les employeurs ont donc tout intérêt à engager dès maintenant le dialogue avec leurs collaborateurs sur un sujet qui va devenir central dans le débat sur les éléments de rémunérations. Car la bonne compréhension des besoins et des attentes aidera à choisir les bons contrats ».

10 : Quand faut-il que je m’en préoccupe ?

Cela devrait déjà être le cas ! Mais évidemment, si vous lisez cet article, il est encore temps… De vous dépêcher. Car bien entendu, vous ne serez pas le seul dans votre cas en fin d’année. Et à ce moment là, il y aura surchauffe chez les assureurs, courtiers et agents généraux. Pourront-ils alors répondre à vos questions ?